Inktober Jour9: THROW (Jeter, Lancer)

par | 9 Oct 2020 | Inktober 2020

9 octobre: THROW (Jeter, Lancer)



L’enfance de Louis n’a jamais été facile. Abandonné à la naissance, placé dans un orphelinat puis dans plusieurs maisons d’accueil inhospitalières dont il s’est débrouillé pour s’enfuir à chaque fois, il vit aujourd’hui à la rue. Ce n’est pas une fatalité pour lui, presque un choix et une fierté. Il en a développé une haine pour l’argent et ce qu’il représente. C’est à cause du manque d’argent que sa mère l’a abandonné, il en est persuadé. C’est encore à cause de lui que l’orphelinat l’avait placé dans des « familles » d’accueil réduisant en esclavage les enfants qu’on leur confiait. En effet, l’établissement n’avait pas assez de fonds, et était obligé de vendre la garde des enfants à des ateliers de travail clandestins, maquillés en maisons d’accueil.

Aujourd’hui il se venge comme il peut. Il est devenu pickpocket pour vivre, mais aussi par conviction. Il ne vole que les personnes à l’aspect fortuné apparent. Pas pour garder la fortune pour lui, non, ça il n’en veut surtout pas, mais pour les en priver. Il se contente de prélever une infime quantité du contenu du porte-monnaie subtilisé, pour lui permettre de vivre et manger. Ensuite, direction le pont le plus proche, et le fruit du larcin a droit à un voyage direct dans les profondeurs du fleuve de la ville.

Ce jour-là, il a bien repéré sa cible. Un riche notable, qui sort de l’église.

– « Encore un qui était parti racheter ses méfaits de bourgeois auprès du prêtre avec l’aide d’un billet ! » se dit Louis.

Il se place alors discrètement près de lui, et glisse la main dans sa poche. Dans la cohue de la sortie de la messe, il est sûr de pouvoir être discret. Par malheur, le notable met la main à la poche au même moment. Les deux mains se rencontrent, l’une pleine du portefeuille, l’autre appartenant à son propriétaire. La fureur qui se lit sur le visage de l’homme qui réalise qu’il est sur le point de se faire voler, est terrifiante. Elle traduit la violence de l’homme, et l’envie de molester le vaurien pris en flagrant délit. Découvert et apeuré, Louis lâche le portefeuille, et s’enfuit. Il sent derrière lui qu’il est poursuivi. Il ne doit son salut qu’à sa connaissance minutieuse de la ville et de ses dédales de petites rues. Il se sait maintenant repéré, et enrage d’avoir raté son coup. Ce quartier de la ville va lui être infréquentable pendant un temps. Il va falloir l’éviter jusqu’à ce que sa tête soit oubliée.

Il déambule au hasard des rues, sa tentative l’a refroidi. Il cherche juste à calmer son cœur qui bat encore très vite. L’adrénaline est redescendue, elle fait place à la frustration, mêlée de colère. Une impression de défaite qu’il ne ressent que rarement, et jamais parce qu’il s’est fait prendre la main dans le sac. Il se pensait meilleur que ça.

C’est alors qu’il aperçoit une jeune fille très bien habillée, et très bien coiffée, qui semble un peu perdue. Sa belle robe blanche fait un peu tache parmi les autres habitants de cette partie de la ville.

– « Tu m’étonnes, se dit-il, petite bourge dans un quartier de pauvre, y’a de quoi être perturbée. Pas ton monde ça… ».

Le sourire lui revient, la journée n’est peut-être pas perdue finalement. Il s’approche d’elle subrepticement, et la détrousse. Cette fois-ci, c’est la bonne. Le fleuve n’est pas très loin, la suite de la manœuvre habituelle va pouvoir avoir lieu assez vite.
Arrivé en vue du pont, la présence de trois personnes sur le trottoir d’en face le stoppe net. L’un d’entre eux est le notable de sa première tentative ratée. Lui aussi semble l’avoir reconnu. Une nouvelle course s’engage, à trois contre un. Les semer va être plus compliqué. Après plusieurs rues arpentées en courant de toutes ses forces, il les sent toujours sur ses talons. Il lui faut trouver une solution. Ça va bientôt faire toute l’après-midi qu’ils jouent aux chats et à la souris. Louis n’en peut plus. Par bonheur, à la sortie d’un virage, il passe devant un restaurant. Les poubelles sont sorties. Il y trouve refuge parmi les sacs mal fermés de restes de plats du jour. Il laisse ainsi passer ses poursuivants sans qu’ils se doutent que leur cible vient de les berner.

Une fois qu’il s’est assuré qu’ils sont bien assez loin, il sort de sa cachette. C’est alors qu’il s’aperçoit qu’adossée à la façade du restaurant, en larmes, se trouve la jeune fille qu’il a détroussée plus tôt. La robe blanche ne l’est plus, maculée de boue. Son aspect actuel, en pleine rue à la tombée de la nuit, suffit à rendre Louis compatissant. Il s’approche alors et lui demande ce qui ne va pas.
Elle lui explique être la fillette d’une femme de ménage. Dans sa famille, ils n’ont pas beaucoup d’argent, et elle a perdu le porte-monnaie que sa mère lui avait confié. Puis elle lui raconte son histoire. Ce porte-monnaie contenait tout l’argent que sa mère avait réussi à économiser. Il était destiné aux médicaments, car son père est gravement malade. Elle s’était bien habillé pour faire forte impression, influencer le pharmacien pour qu’il lui donne les bonnes drogues et ne la fiche pas dehors voyant ses haillons habituels. Maintenant qu’elle n’a plus l’argent, elle n’aura pas de médicaments, et son père va mourir. Elle n’a plus le courage de rentrer chez elle. Ça fait déjà toute une journée qu’elle cherche dans toute la ville où elle a bien pu le laisser tomber. Elle a perdu courage, et se figure que la mort de son père sera de sa responsabilité. Louis sort alors le porte-monnaie volé, lui pose sur les genoux, et sans dire un mot, s’en va.

Le garçon vient de réaliser que parfois, l’habit ne fait pas le moine. Et que tout cet argent qu’il jette à chaque fois sans vrai idéal, pourrait servir à autre chose que sa vengeance envers le monde qui l’entoure. Dorénavant, il se renseigne un peu plus sur ses « clients » avant de commettre ses méfaits. Et le fruit de son travail, il ne le donne plus aux poissons, mais aux plus malheureux que lui. Pour qu’un jour, ils arrêtent de survivre et commencent à vivre.

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