Inktober Jour21: SLEEP (Sommeil, Dormir)

par | 21 Oct 2020 | Inktober 2020

21 octobre: SLEEP (Sommeil, Dormir)



Cela fait maintenant quelques semaines que Christian sent une lourde fatigue. Il se couche et se lève à heure fixe, n’a pas l’impression de se réveiller pendant la nuit et ne fait pas de cauchemar. Du moins pas dont il se souvient. Pourtant, la fatigue s’accumule. Est-il tombé malade ? A-t-il une carence en quelque chose ? Son alimentation n’a pas changé dernièrement, mais si c’est autre chose, mieux vaut aller consulter pour s’en assurer. Il décide de voir son médecin.
Après auscultation, ce dernier ne détecte rien. Il prescrit des analyses plus complètes, à base de radio des poumons et de prise de sang. En attendant d’en savoir un peu plus, il demande aussi à Christian de remplir un calendrier du sommeil. Il ne faut négliger aucune piste selon lui. Cela consiste à noter les heures de lever et de coucher, ainsi que tous autres événements qui se produisent dans la nuit. Le docteur insiste bien sur le fait de noter l’heure à laquelle on va au lit, même si c’est pour lire avant de s’endormir. Le fait de se lever pour aller prendre un verre d’eau ou aller aux toilettes fait partie des choses à noter sur le calendrier. En outre, il lui déconseille de visualiser un écran avant d’aller dormir, lui suggère de méditer, et, si possible, de prendre une boisson chaude peu de temps avant de s’allonger.

Peu convaincu de l’efficacité des conseils de son docteur, il part se coucher à 22 h, comme à son habitude. Il suit pourtant ses recommandations, et note cette heure sur son calendrier. Il attrape le roman qu’il avait abandonné la veille au soir, et en lit quelque page. Avant que son esprit ne se sente emporté dans les limbes, il éteint la lumière et se glisse dans les draps.
Il se réveille à 8 h le matin suivant. Il s’apprête alors à remplir le calendrier, pour y noter son heure de réveil. Quelle n’est pas sa surprise de voir qu’il est déjà rempli avec, comme la veille, l’heure du coucher, mais également l’heure du lever, en pleine nuit, indiquée à 2 h du matin. Suivie d’une deuxième heure du coucher, à 5 h.

Il passe alors la journée à se demander qui a bien pu lui faire cette blague. Sa femme, qui sait pourtant combien sa fatigue l’angoisse ces derniers temps ? Son fils peut-être, avec lequel il a du mal à discuter depuis son entrée au lycée ? Il n’arrive pas à croire que quelqu’un puisse se moquer de lui de cette manière, mais ne voit pas d’autre explication. Lui a dormi comme un bébé cette nuit.
Deux nuits passent encore, et toujours ces marques sur le calendrier. Il finit par en parler à sa femme, lui demandant si elle s’est rendu compte de quelque chose. Elle semble autant perturbée que lui.
La nuit suivante, il n’arrive pas à trouver le sommeil, cette histoire de calendrier rempli pendant qu’il dort le travaille. Il décide d’aller dans la cuisine, et d’appliquer un des conseils du médecin, à savoir prendre une tisane.

Il est minuit quand il se retrouve devant sa tasse chaude, l’esprit rempli d’angoisse et d’incompréhension.
C’est alors que son fils descend boire un verre d’eau. Ce dernier le regarde, étonné.

– « Déjà debout ? » lui demande le nouvel arrivant.

– « Comment ça déjà debout ? »

L’ado s’approche, regarde la tasse de son père, puis lève les yeux vers lui, le regard troublé.

– « De la tisane ?? »

– « Ben oui de la tisane, j’ai l’esprit embrumé, j’arrive pas à dormir, alors je tente le remède de grand-mère. Pourquoi ça t’étonne ? »

– « C’est que d’habitude c’est du café. Et puis t’es debout plus tard aussi… »

– « Comment ça plus tard ? »

– « Ben normalement le papa du café nocturne, il est debout qu’à 2 h. Là il est à peine minuit. » Il ponctue sa phrase d’un petit clin d’œil.

Christian n’y comprend plus rien.

– « C’est cool d’ailleurs que tu sois là plus tôt ce soir. Le « papa-de-jour » est vraiment craignos. Je devais justement te remercier pour la nuit dernière, ton conseil était bon. Martin ne m’en veut pas de lui avoir perdu son livre… Lui dire la vérité était une bonne solution, je crois qu’il m’en voudrait encore de l’éviter sinon. ».

La confusion est totale. Christian ne sait pas du tout de quoi lui parle son fils. Ce dernier s’en rend compte. S’ensuit une discussion quelque peu déconcertante. Il découvre que durant la nuit, il est une toute autre personne. Cet autre lui, ainsi que son fils, ont pris pour habitude de se retrouver autour d’un café aux alentours de 2 h du matin. Ils discutent de tout et de rien, se racontant leurs journées respectives, leurs stress, leurs joies. Christian découvre que son autre a une relation privilégiée avec son fils. De celles qu’il n’arrive plus à avoir depuis quelques années.

Le lendemain matin, à la fois soulagé d’avoir compris ce qui se passait, et inquiet pour la même raison, il décide d’en parler au médecin, sans attendre les résultats de la prise de sang.
Il apprend alors qu’il est atteint du « trouble dissociatif de l’identité », TDI, anciennement appelé « dédoublement de personnalité ». Entre 2 h et 5 h du matin, régulièrement, d’après son calendrier de sommeil, c’est une autre personne qui utilise son corps pour prendre vie.
Seule chose étrange, c’est que lui ne se souvient de rien au réveil, alors que son deuxième lui, le papa-du-café-nocturne, a l’air de rester lucide même quand il n’est pas au premier plan. Il a de plus construit une toute autre relation avec son fils. Relation qui a l’air d’être plus appréciée.
Avec la prise de conscience de ce phénomène, il décide de s’écrire un journal intime, pour essayer de mieux se comprendre lui-même. Une sorte de petit mot qu’il passe à son alter ego nocturne, pour le briefer de la journée qu’il vient de passer, et avoir un compte rendu de la nuit.
C’est ainsi qu’il améliore sa relation avec son fils, en apprenant à le connaître quelle que soit sa personnalité du moment.
Pour la fatigue chronique, il la comble avec une sieste bien placée dans l’après-midi. La vie redevient belle, avec ses deux personnalités bienveillantes, aptes à comprendre et conseiller leurs propres journées.



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